La chapelle du Christ-Roi est érigée entre 1938 et 1941 dans le cadre de la construction des nouveaux bâtiments de l'Université Miséricorde, oeuvre des architectes Denis Honegger et Fernand Dumas. Son histoire s'inscrit dans la fondation d'une Université d'État catholique votée par le Grand Conseil le 4 octobre 1889, sous l'action du conseiller d'État Georges Python. Les facultés de droit et des lettres ouvrent leurs portes en premier, suivies de la faculté de théologie, en 1890, puis des sciences en 1896. Les cours sont d'abord dispensés dans l'ancien collège des Jésuites, qui s'avère rapidement trop exigu pour accueillir tous les étudiants (Rohner, [1941], p. 33-36).
Sous l'impulsion du conseiller d'État Joseph Piller, de nouveaux locaux pour les instituts de chimie, anatomie et botanique sont construits en 1936-1938 à la route Albert-Glockel (Lauper, 2019, p. 2, 30), dont le mandat est confié par Piller à Fernand Dumas sans passer par un concours (Siradovic, 2011, p. 196).
Mais il reste encore à concevoir un nouvel écrin pour accueillir les facultés des lettres, droit et théologie, qui sera situé sur le terrain de l'ancien cimetière Miséricorde.
Pour la construction de cet édifice de grande importance, l'Association des Amis de l'Université opte cette fois-ci pour un concours lancé en mars 1937, ouvert sur invitation à des architectes fribourgeois et à quelques confrères installés dans d'autres cantons. Ils seront 21 à y prendre part, parmi lesquels on peut citer Hermann Baur, Fritz Metzger, Alphonse Laverrière, Augustin Genoud, Adolphe Guyonnet, Albert Cuony et Fernand Dumas (Siradovic, 2011, p. 206-221). Dumas soumet deux projets, le premier en son nom propre et le second, "Cajetan", réalisé avec Denis Honegger, présenté au concours de manière anonyme. Honegger ne faisant pas partie des architectes invités et n'exerçant pas en Suisse, Dumas tente de faire passer cette entorse au règlement en spécifiant que ce projet est offert, en renonçant à toute indemnité ou prix éventuel (Siradovic, 2011, p. 232). Ce pari s'avère gagnant, puisque le projet "Cajetan", qui a très probablement été entièrement conçu par Honegger, reçoit le premier prix et que le mandat est attribué à l'architecte en collaboration avec Dumas (Allenspach, 1984, p. 2-3). Les bâtiments sont inaugurés en juillet 1941 et salués comme une étape marquante du développement de l'architecture moderne à Fribourg et en Suisse. Élève et collaborateur d'Auguste Perret et de Le Corbusier, Honegger réalise à Fribourg la synthèse des principes architecturaux prônés par ces architectes, avec son ossature lisible et sa répartition en modules régis par des rapports de proportions déterminés, ainsi que par l'emploi du béton armé laissé apparent, ce qui est encore rare dans la construction civile à cette époque (Allenspach, 1984, 2-11). Le béton fait l'objet d'un travail particulièrement soigné. Les éléments de structure sont travaillés avec une gamme variée de bouchardes, la granulométrie et la tonalité précisément définies pour obtenir une tonalité uniforme (Dumas et Honegger, [1941], p. 75-76). Certaines parties de remplissage des façades sont garnies de claustras présentant des motifs géométriques variés préfabriqués, rappelant fortement certaines oeuvres de Perret, à l'instar de l'emblématique église Notre-Dame du Raincy (1922-1923) (Daucourt, 2000, p. 57-58 ; Freigang, 2003, p. 250-251).
Aucune chapelle n'était initialement prévue dans le projet du concours. Ce sont les Tertiaires de l'ordre franciscain qui réclament la construction d'un lieu de culte dont ils estiment la présence nécessaire dans une Université catholique, et dont ils proposent d'assumer une partie du financement (Siradovic, 2011, p. 266). Sur les projets de mai 1938 établis par le bureau Dumas & Honegger, les architectes prévoient de l'intégrer dans la prolongation du hall d'accueil du bâtiment des séminaires, au nord-est, où elle sera construite (Dumas et Honegger, 1938). L'exiguïté de l'espace qui lui est dévolu, pensé pour accueillir 80 personnes, est compensée par la possibilité d'ouvrir largement les portes de l'entrée et de s'adjoindre l'espace du hall. Malgré la modestie de ce lieu de culte, Honegger et Dumas livrent un travail soigné dans lequel transparaissent encore plus fortement les liens avec Notre-Dame du Raincy de Perret. Les bancs sont distribués en largeur autour d'un choeur au chevet droit légèrement arrondi, avec une sacristie disposée sur le flanc nord-est du bâtiment, dissimulée depuis la nef par un panneau de béton. Comme au Raincy, les façades sont constituées de claustras de béton ajouré composés de différents motifs en béton moulé. Sur chacune des onze parois qui délimitent l'espace intérieur de la nef et du choeur, de grandes croix latines scandent les panneaux, dont chaque portion est ornée de motifs géométriques disposés suivant un plan précis. L'axe central de la chapelle est marqué par une voûte tronconique autoportante reposant sur des colonnes libres de béton cannelé (Dumas et Honegger, [1941], p. 66) dont la pente s'abaisse en direction du choeur, suivant un type que l'on retrouvera à l'église du Christ-Roi de Fribourg, autre oeuvre d'Honegger et Dumas dans le chef-lieu fribourgeois (Daucourt, 1998, p. 352-363).
Lors de l'inauguration de l'Université en 1941, la chapelle n'a toutefois pas encore reçu ses vitraux (Termier, 1941, p. 33), dont la réalisation sera confiée à l'artiste Alexandre Cingria. Ce dernier optera pour une technique encore nouvelle en Suisse, la dalle de verre, dont l'utilisation permet d'obtenir une intégration encore plus forte que le vitrail au plomb dans l'architecture (Noverraz, Sauterel, Wolf, 2021, p. 50-59 ; Meer, 2002). Inaugurée le 4 mai 1944, la chapelle est également dotée d'oeuvres de l'orfèvre Marcel Feuillat qui conçoit le tabernacle en cristal de roche, et, un peu plus tard, les pieds sculptés de l'autel représentant les symboles des Évangélistes, auxquels s'ajouteront des anges sculptés de l'artiste fribourgeois Antoine Claraz (Feuillat, 1947, p. 67-69). Le peintre Maurice Barraud crée également deux peintures murales sur les panneaux latéraux sur le thème des Visions de l'apocalypse (Roetheli, 1946/1947, p. 3-7). Enfin, en 1983, l'artiste fribourgeois Yoki complète cette décoration par la réalisation d'un vitrail abstrait posé dans la baie fermant le sommet de la voûte tronconique située au-dessus des orgues, en collaboration avec le maître-verrier Michel Eltschinger.
Allenspach, C. (1984). L'Université de Miséricorde à Fribourg. Berne, Suisse : Société d'Histoire de l'art en Suisse.
Daucourt, P. (1998, décembre). Un parcours vers le sacré. L’église du Christ-Roi à Fribourg (Patrimoine fribourgeois), (10), 352-363.
Daucourt, P. (2000). La leçon d'architecture d'Auguste Perret en Suisse romande variations et interprétations. Les fonds Emilio Antognini, Béate et Maurice Billeter, Jeanne Bueche, Daniel Girardet et Denis Honegger aux Archives de la construction moderne. Lausanne, Suisse : EPFL.
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