L’artiste allemand Georg Meistermann (1911–1990) compte avec Ludwig Schaffrath et Jochem Poensgen parmi les créateurs de vitraux les plus influents de l’après-guerre en Allemagne et, “par sa recherche conséquente de nouvelles formes d’expression, a jeté les bases d’un vocabulaire innovateur” (Trümpler, 1990, p. 4). Il est l’auteur de plus de mille vitraux répartis dans environ 250 bâtiments sacrés ou profanes, majoritairement en Allemagne. Alors que les commandes affluent après la guerre, la demande baisse petit à petit vers 1965 (Wilhelmus, 2014, p. 166). Ce vitrail autonome, réalisé à plus de 70 ans, peut être qualifié d’œuvre de maturité. Il a été projeté et exécuté en 1982 à la demande de l’atelier Dr. H. Oidtmann à Linnich, à l’occasion du 125ème anniversaire de l’entreprise (Wilhelmus, 2014, p. 499). L’artiste était alors occupé par la prestigieuse commande pour des vitraux dans la Basilique Saint-Géréon à Cologne.
La feuille de lierre est clairement reconnaissable dans ce panneau figuratif, alors que la majorité des vitraux de Georg Meistermann, dès les années 1950, se distinguent par une complète abstraction. Dès 1975 environ, les motifs figuratifs reprennent toutefois un peu plus d’importance dans son œuvre. Le motif de la feuille apparaît dès 1973 dans les peintures de l’artiste (cf. Gausling, 1981, Katalog Nr. 127) et se rencontre dans ses œuvres graphiques jusqu’à la fin de sa vie. Une huile sur toile de 1982 intitulée “Herbstliches Blatt” s’approche le plus du sujet de notre vitrail (Grimme, 1984, N°cat. 46, p. 36). Certains traits tracés à la grisaille sur les verres jaunes pourraient évoquer les nervures de la feuille de lierre. Toutefois, leur présence sur d’autres verres semble plutôt indiquer que l’artiste souhaitait par ces traits animer la surface du verre, jusqu’à évoquer des fausses fissures et des structures sur le verre. L’utilisation de la grisaille pour élargir les baguettes de plomb et souligner leur présence et fonction graphique est à relever. L’artiste a accordé un grand soin au choix des verres, combinant des verres antiques et des verres opaques et jouant avec leurs divers degrés de translucidité et d’opacité. Dans un interview accordé en 1979 à Manfred de la Motte, Georg Meistermann déclare à ce sujet: “Wenn ich ein Bild male, oder wenn ich aquarelliere, dann kann ich eine bestimmte Transparenz, eine Durchsichtigkeit erreichen, oder ich kann pastos malen, also dicht werden. Beim Glas hingegen stellen sich diese Probleme nur einmal und zu Anfang: wie dicht darf ein Glas sein, wie durchsichtig darf es sein – oder wie wenig durchsichtig muss es sein. [ ] Einige Opalgläser lasse ich dicht herstellen, dass sie wie transparentes Porzellan wirken.” (De la Motte, 1979, p. 17; traduction partielle de cette citation dans Trümpler, 1990, p. 6). Le style très graphique, ainsi que l’important contraste entre les verres clairs et foncés sont récurrents dans l’œuvre verrière de l’artiste.
Quatre répliques de cette œuvre ont été réalisées, trois en 1989-90, la dernière en 1994 (Wilhelmus, 2014, p. 499). Les couleurs de la version posthume diffèrent un peu de l’original (Wilhelmus, 2014, p. 499-500). Il n’est pas exceptionnel que des répliques des vitraux autonomes de l’artiste aient été réalisées (cf. catalogue de son œuvre verrier dans Wilhelmus, 2014). Le vitrail a été acquis par le musée en 1985 suite à l’exposition “Image du vitrail allemand de la collection Oidtmann” (cf. Fasel, 1985), grâce au soutien de la Fondation du Jubilé de l’UBS.