Le vitrail provient de la collection du Bernois Friedrich Bürki (1819-1880), qui avait sa vie durant collectionné des dessins, gravures, aquarelles, huiles, armes, meubles, monnaies, médailles et peintures sur verre, principalement suisses, dont l’ensemble fut mis aux enchères à Bâle en 1881 par ses héritiers (Cat. vente Bâle 1881, cat. 62 ; Rahn 1888, p. 316-317). Il est par la suite documenté dans la collection de l’industriel français Frédéric Engel-Gros (1843-1918), dont la collection fut vendue en 1922 à Paris après le décès de ce dernier à Bâle (Ganz 1925, vol. I, p. 279, cat. 31 ; vol. II, pl. 102). Acheté à cette occasion par le Victoria and Albert Museum avec le fonds Murray, le vitrail était considéré lors de son entrée dans les collections du musée comme suisse, réalisé d’après un dessin du peintre originaire de Fribourg Hans Fries (v. 1460-1523), et daté vers 1500 (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013).
Le vitrail représente l’apothéose de Marie-Madeleine qui, inscrite dans un paysage et recouverte d’une peau animale laissant toutefois transparaître par endroit sa nudité, est transportée par six angelots ; dans la partie inférieure sont représentés deux écus armoriés dont, à gauche, des armes non identifiées qui pourraient appartenir au donateur et, à droite, celles de la ville de Baden (AG).
Le donateur du vitrail n’a pas encore pu être identifié, malgré la présence d’un écu armorié, encore inconnu. Une hypothèse concernant l’emplacement d’origine peut cependant être formulée, sur la base de la présence de l’écu aux armes de Baden d’une part et, d’autre part, sur la base de l’iconographie.
Ville d'eau, marché médiéval, chef-lieu sous les Habsbourg, siège de la Diète fédérale, Baden a toujours été un centre, tout en entretenant des relations économiques étroites avec Zurich, qu'on peut atteindre depuis le Moyen Age par la voie navigable de la Limmat. Baden abrite en outre l’église de l'Assomption dont les fondations remontent à la fin du IXe siècle. Elle a été plusieurs fois agrandie et transformée au Moyen Âge. Son aspect extérieur actuel, gothique tardif, remonte à 1460 (Hartmann et Steigmeier 2014, consulté le 17 mars 2021), tandis que l’intérieur a subit des modifications jusqu’à la fin du XVe siècle (cf. Hoegger 1976, p. 96-97). Or, le vitrail date précisément de la seconde moitié du XVIe siècle et pourrait, à titre d’hypothèse, avoir été commandé par un paroissien pour célébrer la fin des travaux de transformation de l’église.
Entre 1905 et 1908, Paul Ganz publia un modèle dessiné de l’apothéose de sainte Marie-Madeleine qu’il attribua au peintre Hans Fries (Ganz 1905-1908, 1ère série, 4e livraison, pl. 49). Sur cette base, l’invention du vitrail fut attribuée à ce dernier, tandis que son exécution fut donnée à un atelier bâlois et datée du XVIe siècle (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013 ; Ganz 1925, vol. I, p. 279 ; Rackham 1936, p. 91). Conservé au Kupferstichkabinett du Kunstmuseum de Bâle, le dessin a depuis été retiré du corpus de Hans Fries pour être donné à Hans Baldung Grien et daté vers 1504-1505, infirmant tout lien entre le peintre et le vitrail de Londres (cf. cat. exp. Fribourg 2001-2002, p. 249).
La documention du Victoria and Albert Museum conserve une note, non signée ni datée mais qui pourrait revenir à Bernard Rackham, anciennement conservateur au département de céramique, qui rapproche le vitrail de Londres d’un vitrail conservé à l’église Sainte-Madeleine de Strabsourg, daté vers 1480, qui partage manifestement une même invention (cf. Bruck 1902, pl. 65), laquelle fut mis en relation avec deux gravures, chacune représentant une apothéose de sainte Marie-Madeleine, attribuées au Maître du Livre de Raison, également appelé Maître du Cabinet d’Amsterdam, un graveur actif en Allemagne méridionale à la fin du XVe siècle (cf. Lehrs 1893, pl. 49 et 50 ; sur le Maître du Livre de Raison, cf. Campbell Hutchison et al. 1985), sans qu’une séquence soit toutefois proposée entre le vitrail de Londres, celui de Strasbourg et les deux gravures conservées à Amsterdam.
En 1954, Paul Boesch attribua prudemment le vitrail à un peintre-verrier anonyme (Boesch 1954f, p. 78). Une identification du second écu armorié permettrait de formuler de nouvelles hypothèses sur son lieu de fabrication, sa provenance voire même une attribution. Bien que celui-ci ne figure pas dans le „Wappenbuch der Stadt Baden“ de 1920 (cf. Merz 1920), il pourrait revenir à quelque haute personnalité de Baden et de sa région.
Cité dans :
- Cat. vente Bâle 1881, cat. 62
- Rahn 1888, p. 316-317
- Cat. vente Paris 1922, lot 41
- Ganz 1925, vol. I, p. 279, cat. 31 ; vol. II, pl. 102
- Rackham 1936, p. 91, pl. 53
- Boesch 1954f, p. 76, 78
- Cat. exp. Fribourg 2001-2002, p. 249
