Michel Eltschinger (1938-2023) débute le métier de maître-verrier un peu par hasard, sa mère lui ayant obtenu une place d'apprentissage dans l'atelier d'Herbert Fleckner, où il débute en juillet 1953 (Schneuwly, 2013). C'est le chef d'atelier Joseph Keller qui lui apprend le métier. Issu de l'atelier Kirsch et Fleckner, celui-ci connaît toutes les ficelles du métier. Très vite, le jeune adolescent sait qu'il en fera sa carrière. Dès ses débuts, il collabore avec plusieurs artistes, dont Yoki et Albert Chavaz, avec qui il apprend l’intégration d'un vitrail dans l’architecture, la prise en compte du paysage extérieur environnant, le choix des couleurs, leurs valeurs, leur force et la subtilité de leurs nuances (Eltschinger, [2013], p. 6, 7).
Après plusieurs années de travail chez Fleckner en tant qu'employé, Michel Eltschinger se met à son compte en 1968. La majeure partie des artistes avec lesquels il a travaillé durant ses premières années professionnelles lui expriment leur confiance en le suivant. Il ouvre un premier atelier de vitrail au quartier des Daillettes à Villars-sur-Glâne dans l’ancienne menuiserie Demierre. Voisin de l’atelier Fleckner, il continue de travailler en parallèle pour son ancien patron, particulièrement dans l’exécution de vitraux en dalle de verre (Eltschinger, [2013], p. 24-27), dont il devient un spécialiste. En 1982, il s’installe dans un nouvel atelier, une ancienne ferme vouée à la démolition qu’il restaure et transforme (Berset, 1989, p. 117), et qu'il occupe jusqu'à la fin de sa vie.
Michel Eltschinger consacre sa carrière à la réalisation de vitraux d'artistes. Il a collaboré avec près de 80 artistes suisses et étrangers (Albert Chavaz, Yoki, Pierre Chevalley, Théodore Strawinsky, Teddy Aeby, Sergio de Castro, Alfred Manessier, Jean Bazaine, Elvire Jean, Jean le Moal, Bernard Schorderet, Jean-François Comment, Anselmo, Ljuba Popovic, Jean Prahin, Alice Dabbous, Isabelle Tabin, etc.) (Eltschinger, [2013], p. 7-87), dont presque tous lui sont restés fidèles durant toute leur vie, à l'instar de Yoki ou d'Isabelle Tabin-Darbellay. Il a réalisé plusieurs milliers de vitraux, principalement en Suisse mais aussi dans de nombreux pays (France, Allemagne, Italie, Israël, Les Seychelles). Il a restauré également de nombreux vitraux (vitraux du choeur de Notre-Dame de Fribourg, couvent de la Maigrauge à Fribourg, vitraux du choeur de la collégiale de Romont, château de Gruyères, temple de Carouge, etc.) (Eltschinger, [2013], p. 149). Il lui est arrivé parfois de dessiner lui-même des maquettes, mais ce sont des occasions rares, car la création n'était pas "son affaire, préférant laisser l'art aux artistes" (Eltschinger, [2013], p. 88). Souhaitant transmettre son savoir-faire, il a formé plusieurs apprentis, dont Christine Fleury qui a été une compagne de travail jusque dans les dernières années de vie du verrier (Eltschinger, [2013], p. 118). Plusieurs verriers ont également passé dans l'atelier de Villars-sur-Glâne, dont Daniel Stettler qui, en 1989, après son apprentissage à Berne, est venu travailler pour le maître-verrier. Bien qu'ayant pris son indépendance quelques années plus tard, il a continué à collaborer avec Michel Eltschinger autant pour des travaux de peinture à la grisaille, que pour la pose de vitraux (Eltschinger, [2013], p. 90, 91).
Michel Eltschinger est l'un des verriers suisses les plus importants de la seconde partie du XXème siècle, autant pour ses qualités uniques de verrier que par le nombre impressionnant de collaborations menées avec des artistes très différents (Sauterel et Noverraz, 2021, p. 141). Il n'a pas seulement réalisé les oeuvres des autres, il a accompagné les artistes dans tout le processus créatif, leur conférant conseils avisés et leur offrant tout son savoir-faire et sa passion du métier.
Berset, B. (1989, printemps-été). Chez Michel Eltschinger, maître-verrier : Un atelier de lumière. Panorama Fribourg-Freiburg, 115-119.
Eltschinger, M. ([2013]). Les amitiés de couleur : Michel Eltschinger: soixante ans d'art verrier. [Villars-sur-Glâne], Suisse : M. Eltschinger.
Sauterel, V. et Noverraz C. (2021). Isabelle et Michel Eltschinger ou l'alchimie d'une collaboration. Dans I. Tabin-Darbellay (dir.), Un jour la couleur. Vitrail & tapisserie. Éditions Slatkine.
Schneuwly, C. (2013, 29 juin). Erinnerungen aus Glas. Freiburger Nachrichten. http://www.freiburger-nachrichten.ch/nachrichten-grossfreiburg/erinnerungen-aus-glas
YG. (2014, 16 janvier). Quand les mots et le vitrail rayonnent ensemble. La Gruyère, 17.