Name

Eglise Notre-Dame de l'Assomption

Address
28, route du village
1925 Finhaut
Geographical Hierarchy
Coordinates (WGS 84)
Author and Date of Entry
Valérie Sauterel 2020; Camille Noverraz 2024
Information about the Building

Au début du XXème siècle, la première église paroissiale de Finhaut, datant de 1652, n'est plus adaptée aux besoins de la population et le conseil bourgeoisial vote en 1901 sa reconstruction. Bien que deux architectes soient contactés pour établir des projets, François Besson de Vernayaz et Joseph Dufour de Sion, l'entreprise va prendre plusieurs années avant d'aboutir, faute de moyens financiers. En 1909 et 1914, deux autres architectes, Louis Gard et Joseph de Kalbermatten, mettent en garde contre l'état de délabrement avancé de l'édifice, et le premier propose également un projet de construction qui demeurera sans suite. Afin de hâter les choses, la commune laisse aux desservants de la paroisse et donc à l'autorité de l'Abbaye de Saint-Maurice, dont elle dépend, la gestion du projet. C'est sur son initiative qu'un nouvel architecte, Jules Zumthor, propose les plans d'une église de style byzantinisant en 1917. Pour des raisons inconnues, cette proposition est aussi abandonnée (Gross, 2001, p. 6-22).
En juillet 1927, le conseil communal prend connaissance d'un projet de l'architecte Fernand Dumas, membre emblématique du Groupe de Saint-Luc, société artistique catholique oeuvrant pour le renouveau de l'art sacré. Si l'on ignore les circonstances de l'appel à l'architecte fribourgeois, ce choix s'explique probablement par les nombreux liens que les acteurs du Groupe de Saint-Luc entretiennent avec l'abbaye de Saint-Maurice, qui assure le financement d'une grande partie des travaux avec la commune de Finhaut. L'abbaye est alors très ouverte aux développements de l'art religieux, sous l'influence notamment du chanoine Louis Poncet, membre de la Société Saint-Luc et frère de l'artiste Marcel Poncet, l'un des co-fondateurs de ce collectif qui a d'abord existé sous le nom de "Groupe de Saint-Luc et Saint-Maurice" (Roulin, 2015, p. 433-434 ; Noverraz, 2022, p. 111). Dumas présente de plus l'avantage d'être déjà fort d'une certaine expérience dans le domaine de l'architecture religieuse après avoir construit les églises de Semsales (1922-1926) et Echarlens (1924-1927), et remporté le concours de l'église Saint-Pierre de Fribourg, dont les travaux commenceront l'année suivante. Il aurait d'ailleurs convié le curé de Finhaut, le chanoine Roduit, à la consécration d'Echarlens en septembre 1927 (Gross, 2001, p. 31-34). Conscient des moyens financiers limités alloués au projet, Dumas limite ses honoraires et notes de frais et fait même don de mille francs en faveur d'un vitrail ou d'une oeuvre d'art (Gross, 2001, p. 31-32, 44).

La construction de l'église sous la direction de Dumas est votée en octobre 1927 et les travaux démarrent en avril de l'année suivante. Ils sont confiés à des entrepreneurs locaux, ainsi qu'à plusieurs maisons fribourgeoises ayant déjà travaillé avec l'architecte, à l'instar de la marbrerie Borghi et de l'entreprise Brandt de Bulle pour la ferronnerie. La consécration a lieu le 15 septembre 1929. La cure, reliée à l'édifice par une galerie, ne sera quant à elle achevée qu'en 1931, en raison de nouvelles difficultés financières (Gross, 2001, p. 42-43, 47).
Respectant le voeu des autorités communales, Dumas implante le nouvel édifice sur l'emplacement de l'ancienne église et de la cure, afin de ne pas dénaturer la structure villageoise. Il s'inspire des formes de l'ancienne église, dont il conserve une partie du clocher qu'il coiffe d'une flèche en béton ajouré dans l'esprit des clochers octogonaux valaisans, et réutilise à l'intérieur les maîtres autels baroques de l'ancienne église. Il privilégie des matériaux reflétant l'identité locale, comme l'ardoise pour la toiture. A l'intérieur, il choisit de mettre en avant le bois pour la charpente apparente du plafond et le mobilier, harmonisé par la répétition d'un motif de moulure en pli de serviette (Gross, 2001, p. 35-37, 49).

Comme à son habitude, l'architecte accorde une importance primordiale à la décoration, et s'assure pour cela la collaboration d'artistes pour la plupart membres du Groupe de Saint-Luc et déjà impliqués dans les chantiers de Semsales et Echarlens, à l'instar d'Alexandre Cingria, Eugène Dunand et François Baud. Cingria reçoit le mandat de la décoration générale de l'édifice, soit sa polychromie et ses décors peints, une partie des vitraux et un triptyque en peinture murale occupant pratiquement tout le mur nord de la nef, représentant la Vierge de Miséricorde. L'artiste et maître-verrier Eugène Dunand conçoit les grands vitraux du choeur, des bas-côtés de la nef et des fenêtres hautes au nord-ouest, ainsi que ceux du baptistère. Cingria complète ce cycle par la réalisation des verrières ornementales des fenêtres hautes, ainsi que du grand vitrail de la rose. La table de communion, la chaire et les panneaux de la porte principales sont sculptés sur bois par François Baud (Gross, 2001, p. 49-50). L'autel latéral nord est orné d'un antependium en laine brodée de Marguerite Naville, représentant la prière des Hébreux devant l’Arche d’Alliance, réalisé en 1925 pour l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de Paris. En 1934, le retable de l'autel majeur est remplacé par une oeuvre à la sépia de Marcel Poncet, représentant l'Assomption de la Vierge, incorporée probablement par l'intermédiaire de son frère le chanoine Poncet, curé de la paroisse depuis 1931 (Gross, 2006, p. 20, 23-24).
Ces oeuvres d'art déploient une iconographie principalement centrée autour du thème marial, l'édifice étant dédié à la Vierge de l'Assomption. Achevé bien après la consécration, cet ambitieux programme décoratif a nécessité de l'aide extérieure pour une partie de son financement, à l'instar des peintures murales de Cingria qui ont été subventionnées par la Fondation Gleyre (Gross, 2001, p. 51, 58).

A la consécration de l'église et à la fin des travaux de décoration, de nombreux articles élogieux paraissent dans la presse nationale et internationale (Bouvier, 1929, p. 496-497 ; Deslandes, 1932, p. 568-570). Malgré cela, une partie de la population et quelques personnalités restent choquées par certaines oeuvres, notamment celles de Cingria, auxquelles on reproche leur manque de "sentiment religieux" ([Notice bibliographique sur le dernier numéro de N�o�v�a� �e�t� �V�e�t�e�r�a�], 1932. p. 399). Même Maurice Denis, lors de sa visite en 1933, se montre surpris par cette décoration qu'il juge un peu étrange dans un paysage alpin (Gross, 2006, p. 24-25).
En mars 2002, l'État du Valais et la Confédération procèdent au classement de l'église comme monument historique (Lugon-Moulin, 2006, p. 30).

Literature

Bouvier, J.-B. (1929). La nouvelle église de Finhaut. La Patrie Suisse, 496-497.

Deslandes, P. (1932). L'église de Finhaut en Valais, les réflexions d'un simple homme. L'Artisan liturgique, **(27), 568-570.

Gross, S. (2001). L'église paroissiale de Finhaut [mémoire de licence inédit]. Université de Genève.

Gross, S. (2006). Église de Finhaut – �un monument exceptionnel signe de renouveau. Dans Paroisse de Finhaut (dir.), Église paroissiale de Finhaut : Restauration 2004-2005 (p. 7-27). [Finhaut], Suisse : Paroisse de Finhaut.

Lugon-Moulin, C. (2006). Restauration de l'édifice – une redécouverte. Dans Paroisse de Finhaut (dir.), Église paroissiale de Finhaut : Restauration 2004-2005 (p. 29-39). [Finhaut], Suisse : Paroisse de Finhaut.

[Notice bibliographique sur le dernier numéro de N�o�v�a� �e�t� �V�e�t�e�r�a�]. (1932, 23 juin). L�a� �S�e�m�a�i�n�e� �c�a�t�h�o�l�i�q�u�e� �d�e� �l�a� �S�u�i�s�s�e� �f�r�a�n�ça�i�s�e�,� �(25), 399.

Noverraz, C. (2022). Le Groupe de Saint-Luc (1919-1945) : expression et quête d'identité d'une Société artistique catholique dans l'Europe de l'entre-deux-guerres [thèse de doctorat inédite]. Université de Lausanne.

Roulin, S. (2015). L�’ép�o�q�u�e� �c�o�n�t�e�m�p�o�r�a�i�n�e� �(�d�e� �1�8�7�0� �à �V�a�t�i�c�a�n� �I�I�)�. Dans B. Andenmatten et Laurent Ripart (dir.), L�’A�b�b�a�y�e� �d�e� �S�a�i�n�t�-M�a�u�r�i�c�e� �d�’A�g�a�u�n�e�,� �5�1�5�-2015 (vol. 1, p. 409-445). Gollion, Suisse : Infolio éditions.