Name

Eglise Notre-Dame de l'Assomption

Address
Route des églises
1646 Echarlens
Coordinates (WGS 84)
Author and Date of Entry
Valérie Sauterel 2020; Camille Noverraz 2022
Information about the Building

L’église d’Echarlens remplace un ancien sanctuaire du XVIIe siècle, également dédié à la Vierge de l’Assomption, existant encore et situé non loin de la nouvelle construction. En 1921, Fernand Dumas soumet différentes variantes à la paroisse (Dumas, 1921), tout comme un autre architecte concurrent, le Genevois J. Bach (Gremaud et Gremaud, 1923). Indécis, le conseil paroissial finit par accorder le mandat à Dumas, sans doute encouragé par une lettre de l’évêque du diocèse, Mgr Besson, qui se positionne en faveur d'un architecte fribourgeois (Torche-Julmy, 1995, p. 10). Ce choix d'écarter Bach officialise « l'enterrement du néo-gothique » dans le canton de Fribourg, en y favorisant l'érection d’une deuxième église de style moderne après celle de Semsales, alors en cours de construction par Dumas (Lauper, 1995, p. 21).

Le 21 avril 1924, la première pierre est posée et le gros-oeuvre est achevé au printemps 1926. Dumas opte pour une architecture ancrée dans une tradition multiforme évoquant à la fois le Moyen Age et l'architecture vernaculaire. Ces aspects se traduisent par la forte présence du mur, dont l’aspect rustique est mis en scène par la pierre apparente, percé de petites ouvertures et baies à triplets en plein cintre d'aspect roman. Le clocher de la nouvelle église s’inspire de celui de l’ancienne église, dont la tour, construite en 1626, est démolie en 1951 (Lauper, 2012, p. 115).
La consécration n'a lieu qu'en septembre 1926, près d'une année après celle de Semsales, pourtant postérieure à celle d'Echarlens en terme de conception des projets. Ce délai est probablement dû aux nombreuses difficultés rencontrées sur le chantier. Dumas est alors un architecte encore inexpérimenté et ambitieux, qui a une vision très précise de l'oeuvre qu'il souhaite réaliser, au risque de dépasser les possibilités financières de la paroisse. En décembre 1924, alors que les travaux sont déjà bien avancés, il ne reste plus suffisamment d'argent pour pourvoir à tous les travaux prévus dans le devis (Gapany et Gremaud, 1924). Alors que la paroisse se fie à l'architecte qui affirme en mai 1925 disposer d'une somme suffisante pour tout terminer (Gapany et Gremaud, 1925), en février 1927, la commission de bâtisse apprend que les dépenses totales dépasseront de 18'000 francs la somme disponible (Gapany et Gremaud, 1927). En outre, Dumas fait à plusieurs reprises l'objet de critiques de la paroisse, pour avoir passé des commandes de son propre chef, sans en référer à la commission. L'église coûte au final la somme de 283'000 francs, dépassant largement les prévisions initiales (Gapany et Gremaud, 1928).
Au-delà de ces problèmes de dépassement de budget qui seront récurrents dans la carrière de Dumas, ce dernier fait déjà preuve d'une belle assurance concernant ses choix artistiques. Sommé de supprimer de son projet une colonne en pierre jaune que l'architecte envisage pour la place devant l'église, élément dont il a décidé la réalisation sans l'accord de la paroisse (Berset et Gremaud, 1924a), celui-ci argumente en expliquant qu'elle fait partie intégrante de l'oeuvre et ne peut être ôtée sans entraîner un remaniement "complet de tout l'ensemble architectural" (Berset et Gremaud, 1924b). Cette colonne sera bel et bien réalisée et servira de socle à une statue du sculpteur François Baud représentant l'Assomption de la Vierge.

Les difficultés sont également nombreuses au niveau de la décoration. L'artiste auquel il confie le mandat de la décoration générale, Alexandre Cingria, malgré son expérience de peintre-verrier, n'a alors encore jamais eu à sa charge l’ensemble de la décoration d'une église. Comme il le relate dans ses Souvenirs d’un peintre ambulant, autant Dumas que lui-même procédaient par tâtonnement, sans aucune réelle vision d'ensemble. Le travail démarre par la riche polychromie du plafond à caissons, avant d’avoir pensé à la teinte des murs. L’artiste a de grandes difficultés à trouver un ton général capable de s’accorder avec ce plafond, provoquant l’arrêt des travaux laissés longtemps dans un "état d’échantillonnage désespérant" selon ses mots (Cingria, 1933, p. 17-19). Les vitraux de la nef sont posés en décembre 1926 en l’absence de l’artiste et peints à son insu par un employé de l'atelier Kirsch et Fleckner, ce qu'il déplore vivement. Cingria connaît une autre mésaventure avec les mosaïques du maître-autel, à la pose desquelles il n'a pu assister, faute d'argent pour se rendre en train sur le chantier, et qui sont tombées par terre suite à un problème de collage. Il relate que celles-ci ont été recollées tant bien que mal, rendant les scènes quasiment illisibles. Cingria regrette le résultat et se compare à son net désavantage à l'artiste toscan Gino Severini, célèbre auteur de la décoration de Semsales (Cingria, 1933, p. 27-28). Cependant, lors de la consécration, il constate que les éléments décoratifs sont parvenus à se fondre en une parfaite harmonie (Cingria, 1933, p. 43).
Le sculpteur François Baud, auteur d'un important programme sculpté dans l'édifice, constate lui aussi le manque de vision d'ensemble de l'architecte. Dans son autobiographie inédite, il relate la manière dont Dumas lui confie, petit à petit, un travail puis un autre, sans qu’il n’y ait eu aucune réelle collaboration entre eux, seulement "une addition de ma sculpture à un cadre que je n’avais qu’à regarder ensuite pour voir si la devinette avait réussi" (Baud, 1952, p. 2). Si ces éléments de vécu, subjectifs, sont à relativiser, les différentes sources collectées concernant le chantier d'Echarlens permettent de nuancer l'image du chantier collectif en tant que creuset d'une collaboration idéale de l'architecte et des artistes, image souvent associée au Groupe de Saint-Luc à travers la notion d'"oeuvre d'art total" (Noverraz, 2022, p. 201-218).

Malgré ces problèmes, l'église reçoit un accueil très favorable lors de sa consécration. Le conseiller d’état Bernard de Weck l'aurait qualifiée de "création véritable" et de "réussite du goût moderne" (Bouvier, 1929, p. 131), tandis que l'évêque du diocèse, Mgr Marius Besson, loue dans son discours les artistes qu'il compare aux "imagiers des grands siècles chrétiens", ayant su réaliser des solutions nouvelles et montrer que le XXème savait faire mieux que "copier servilement le passé" (Cingria, 1929, p. 43). En 1937, l'église est présentée dans la revue belge L'Artisan liturgique, comme une réalisation majeure du renouveau de l'art religieux en Suisse romande (Villars, 1937, p. 991).

L'édifice recèle encore d'autres oeuvres d'artistes liés au Groupe de Saint-Luc, à l'instar de la brodeuse, mosaïste et peintre Marguerite Naville, autrice du grand retable en broderie de laine, fils d’or et d’argent représentant l’Assomption de la Vierge. Œuvre majeure de l’artiste genevoise, ce retable aurait nécessité des années de travail jusqu’à sa pose en 1927 (Aubert, 1945, p. 25). On doit à l'orfèvre Marcel Feuilllat le tabernacle de l'autel et son crucifix, ainsi que les chandeliers d'autel en émail, l'une des premières expériences de l'orfèvre dans cette technique (Rudaz, 1998, p. 43).

L’église a été rénovée à plusieurs reprises entre les années 1950 et 1990, conformément aux souhaits des paroissiens qui désiraient éclaircir l'intérieur, dont la teinte des murs, choisie par Cingria, était vert-olive avec un soubassement rouge foncé tacheté de noir dans les bas-côtés dans la nef, et rouge-brun uni dans le chœur (James, 1994). Notre-

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