Name

Eglise Saint-Martin

Address
Route de Taillepied
1095 Lutry
Geographical Hierarchy
Coordinates (WGS 84)
Author and Date of Entry
Valérie Sauterel 2020; Camille Noverraz 2024
Information about the Building

Depuis la fondation de la nouvelle paroisse du Saint-Rédempteur en 1916, les catholiques de Lutry-Paudex et de la contrée dépendent de l’église du Saint-Rédempteur à l’avenue de Rumine à Lausanne. Dès 1920, la messe est célébrée chaque mois dans l’école enfantine du Vieux-Moulin à Paudex. A la fin des années 1920, en raison de l’étendue de la paroisse et face à l’augmentation des fidèles, un nouveau lieu de culte pour la région Lutry-Paudex devient nécessaire. Au vu du contexte religieux tendu entre protestants et catholiques dans le canton, il n’est pas possible de créer une nouvelle paroisse et l’édifice devra donc être une chapelle. La construction est dirigée par la Société catholique de la Paudèze, animée par l’abbé Henri Barras (Neuenschwander Feihl, 1995, p. 666), également membre de la Société Saint-Luc depuis 1929 (Societas Sancti Lucae, 1929). En mars et avril 1929, la Société catholique de la Paudèze fait l’acquisition d’un terrain au lieu-dit « En Taillepied », à mi-chemin des villages de Lutry et Paudex.

Fin avril 1929, Fernand Dumas est choisi comme architecte pour la construction de l'édifice, après avoir été recommandé par l'évêque du diocèse, Mgr Marius Besson, qui suggère également le nom d’Otto Schmid afin de ne pas donner sa préférence à un architecte fribourgeois. Le programme est établi par l’abbé Barras, qui prévoit une chapelle de 200 à 250 places avec un autel, une tribune pour l’harmonium, un confessionnal, un ambon ou petite chaire, une sacristie et plusieurs dépendances, un porche et un clocheton, mais laisse de côté la question de la décoration intérieure (Neuenschwander Feihl, 1993, p. 2-3).
Le 20 mai 1929, Dumas livre son avant-projet pour une église de 240 places assises dont 22 à la tribune, avec une disposition des différentes parties mettant à profit la déclivité du terrain, puisque la nef se situe à un niveau plus élevé que le porche et la galerie, permettant un éclairage optimal. Il estime le coût total à 75'000 francs, "complètement achevée et meublée […], mais sans les cloches et les vitraux" (Neuenschwander Feihl, 1995, p. 667-668). Dumas définit lui-même son architecture comme étant inspirée d’une tradition locale, sans aucune recherche d'imitation d'un style historique. L’avant-projet est validé par Besson et la chapelle est mise à l’enquête en juin 1929. Comme à son habitude, l’architecte dessine lui-même le mobilier, la chaire, la table de communion, l’autel, le lustre du porche, les poignées de porte, le confessionnal, les balustrades de la tribune et des escaliers, ainsi que les bancs. Les plans d’exécution sont établis dans le courant du mois de juillet et la cérémonie de la pose de la première pierre a lieu le 28 septembre 1929. La réalisation correspond au projet, en dehors du couvrement de la nef, que Dumas a d’abord imaginé en berceau, comme à Echarlens. Il opte finalement pour une série de voûtes transversales, ce que déplore l’abbé Barras, qui craint l’effet acoustique généré par la profondeur des caissons. Mais Dumas ne veut pas de la charpente apparente qu’implique une voûte longitudinale et invoque le fait que les caissons seront peints, ce qui réduira visuellement leur profondeur. Il finit par convaincre l’abbé qui se réjouit de la nouveauté constituée par cette voûte. Les travaux du gros-œuvre sont confiés à des entrepreneurs lausannois, tandis que le mobilier, la ferronnerie et la marbrerie sont l’œuvre d’artisans fribourgeois avec lesquels Dumas a l’habitude de travailler (Neuenschwander Feihl, 1993, p. 3, 6 ; Neuenschwander Feihl, 1995, p. 668-669).

Pour la décoration, Dumas fait appel aux membres du Groupe de Saint-Luc, et particulièrement à Cingria pour les vitraux. Dans un premier temps, la question du décor peint n’est pas abordée et ne le sera qu’en mars 1930. L'artiste conçoit finalement l'ensemble de la décoration intérieure de l'église, des vitraux aux peintures du plafond et des parois, déterminant la polychromie générale servant de repère pour assurer la cohérence des autres oeuvres d'art présentes. Cingria livre ici une réalisation d'une grande richesse décorative, notamment à travers la décoration du plafond étoilé, traduisant sa fascination pour l'Orient. Il devait également concevoir une peinture murale dans la galerie représentant la bataille de Lépante, qui n’a pas été réalisée pour des raisons financières.
D'autres artistes sont également mandatés sur le chantier. Marguerite Naville réalise le retable en mosaïque, André Pettineroli les bas-reliefs entourant la porte et la chaire, et Marcel Feuillat l’orfèvrerie. Alors que cette décoration n’est pas prévue dans le devis et qu’il s’agit d’une simple chapelle, ces travaux artistiques luxueux provoquent un dépassement de 30’000 francs, que Dumas justifie en invoquant la valeur artistique de l’ensemble (Neuenschwander Feihl, 1995, p. 669-676).
Lors de l’inauguration, Mgr Besson loue dans son discours le bon mariage entre modernité et tradition mis en oeuvre à travers l’architecture et la décoration de l’église. Dans l’article que l’évêque y consacre deux jours plus tard, il se montre très enthousiaste, la comparant à un bijou très précieux et travaillé (Neuenschwander Feihl, 1995, p. 679-680).


La chapelle, devenue église en 1952, est classée monument historique en 1991. Dès 1931, des fissures sont visibles dans les murs en raison des fondations défectueuses de la chapelle, et des travaux de consolidation sont entrepris en 1949 par l’entreprise générale Gabella. En 1972, le restaurateur d’art Benoît de Dardel procède à la restauration des peintures murales. En 1981, l’intérieur de l’église est réaménagé afin de l’adapter aux dispositions liturgiques établies lors du Concile de Vatican II, et de nouveaux travaux de colmatage des fissures sont menés (Neuenschwander Feihl, 1993, p. 14-17 ; Neuenschwander Feihl, 1995, p. 675). Entre 1992 et 1999, des travaux de consolidation et restauration, de sondages des peintures murales et de rétablissement d’une partie de l’aménagement d’origine du chœur sont entrepris, et entre 1998 et 1999, les décors peints de Cingria sont restaurés par l’atelier Saint-Dismas (Favre-Bulle, 2000).

Literature

Cingria, A. (1931, avril-mai). La chapelle de Saint-Martin à Lutry. L’Oeuvre (4-5), 5-6.

Deslandes J. (1937, octobre-décembre). La chapelle Saint-Martin à Lutry. L’Artisan liturgique (47), 1006.

Favre-Bulle. (2000, 22 mai). Rapport : travaux de conservation et de restauration des décors peints. Parois et plafonds, église Saint-Martin, Lutry-Paudex. Archives du SIPAL, Lausanne, 147/40.

Neuenschwander Feihl, J. (1993, mars). Église catholique Saint-Martin à Lutry : Rapport historique. Archives du SIPAL, Lausanne, 147/29 b.

Neuenschwander Feihl, J. (1995). L’église catholique Saint-Martin à Lutry : Brève chronique du chantier. Hommage à Marcel Grandjean : Des Pierres et des hommes, 665-683.

Societas Sancti Lucae (1929). Mitgliederverzeichnis / Liste des membres. Archives d’Etat de Lucerne, PA 378/70.