Selon Paul Boesch, le vitrail proviendrait de la collection du prince Frédéric-Léopold de Prusse, laquelle fut vendue en 1919 à Berlin (cette information n’a pas pu être vérifiée – cf. V&A, documentation, état du 20 décembre 2013). Il est par la suite documenté dans la collection du financier américain Jack Pierpont Morgan Jr., dit J. P. Morgan Jr. (1867-1943), qui légua en 1919, en souvenir de la mémoire de son père, John Pierpont Morgan (1837-1913), et en reconnaissance de l’amitié anglo-américaine durant la Première Guerre mondiale, plusieurs dizaines de vitraux au Victoria and Albert Museum (sur ce legs, cf. VAM C.37-1919). Lors de son entrée dans les collections du musée, il était considéré comme suisse et daté vers 1579, comme indiqué sur le cartouche (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013).
À une date indéterminée, peut-être en 1935, lors de sa visite à Londres, Hans Lehmann proposa de reconnaître dans le panneau de Londres la „Juliusbanner“, c’est-à-dire l’étendard de soie richement brodé que le pape Jules II avait offert aux cantons de l’ancienne Confédération suisse pour les remercier du soutient que les soldats suisses lui avait apporté durant la guerre de la Ligue de Cambrai, qui s’était tenue au Nord de l’Italie et qui avait opposé les principales puissances européennes, dont les Etats pontificaux, pour le contrôle de cette région (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013). Cette hypothèse est confortée par la présence dans l’angle supérieur droit de l’étendard d’une Crucifixion, probablement brodée, qui correspondrait bien au cadeau de Jules II et dont plusieurs exemplaires nous sont parvenus, d’une part et, d’autre part, par la représentation du „Kriegshorn“, la corne de guerre d’Uri, tant redoutée et pour laquelle un homme était prescrit, bien qu’elle n’avait pas en l’occurrence permis aux Confédérés de remporter la bataille de Marignan (1515).
L'histoire de Guillaume Tell, quant à elle, tout comme celle de la révolte des trois cantons primitifs (destruction des châteaux) et de leur serment d'alliance (pactes fédéraux), figurent parmi les grands mythes de la Suisse ancienne. Héros légendaire, dont les hauts faits sont évoqués pour la première fois dans le Livre blanc de Sarnen (recueil de copies, vers 1470) et dans le Tellenlied (vers 1477), reprise dans les chroniques de Melchior Russ, Petermann Etterlin (première impression en 1507) et Heinrich Brennwald, l'histoire de Tell parvint alors aux érudits. Aegidius Tschudi en donna une version qui se transmit durant des siècles. Il la situa en 1307, entre le serment du Grütli et la destruction des châteaux, ce qui faisait d'elle un élément central du mythe fondateur. La version de Tschudi toucha un large public surtout grâce à l'œuvre de Josias Simler, De Republica Helvetiorum libri duo, publiée en 1576 et maintes fois rééditée (Capitani 2013, consulté le 24 février 2021).
Le canton d’Uri est en effet l’un des quatre „Waldstätten“, canton de l'ancienne Confédération en 1315, peut-être même déjà en 1291 ou 1309. La date de 1315, inscrite sur le cartouche du vitrail de Londres, est tant une référence à la bataille de Morgarten qu’à l’alliance signée la même année entre les cantons de Schwytz, d’Unterwald et d’Uri. La principale extension de ce nouveau pacte, par rapport à celui de 1291, consistait en une série de dispositions définissant une politique "étrangère" commune (principes que les Waldstätten observeront durant des siècles). La garantie des droits seigneuriaux était réaffirmée, mais expressément supprimée envers un seigneur qui attaquerait l'un des alliés. Jusqu'à la fin du XIXe siècle, le pacte de 1315 fut considéré comme la charte fondatrice de la Confédération (Wiget 2015, consulté le 24 février 2021).
L’emplacement d’origine de ce vitrail n’a pas pu être établi.
Sur la base de l’iconographie, la présence des armes du canton d’Uri et la date de 1579, Hans Lehmann proposa d’attribuer le vitrail à Peter Bock (v.1540-1589/94), un peintre-verrier de Zurich documenté à Altdorf, chef-lieu du canton de Uri, dont il obtint la bourgeoisie en 1585 et où il mourut très probablement avant 1594 (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013). La vie et l’oeuvre de Peter Bock restent toutefois très mal connus, de sorte qu’aucune comparaison stylistique avec une oeuvre sûre de ce dernier n’est possible.
Cette proposition d’attribution est néanmoins confortée par la présence, entre les écus armoriés, du monogramme „P.B.“. Cette attribution n’a pas été infirmée par Paul Boesch (Boesch 1954f, p. 75), donnant éventuellement au panneau de Londres une valeur de référence dans la vie et l’oeuvre de cet artiste encore méconnu.
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