Nom

Eglise Saint-Nicolas

Adresse
Grand-rue 37
1623 Semsales
Hiérarchie géographique
Coordonnées (WGS 84)
Auteur·e et date de la notice
Camille Noverraz 2024
Informations sur le bâtiment / l'institution

Chantier emblématique pour l'histoire du Groupe de Saint-Luc, l'église de Semsales inaugure la longue série d'édifices religieux réalisés par l'architecte Fernand Dumas en collaboration avec les artistes du Groupe de Saint-Luc en Suisse romande. Lorsqu'il remporte le concours de Semsales, en 1922, le jeune architecte n'a alors à son actif que le pensionnat Saint-Charles de Romont (1919-1920), l'école de Mossel (1919-1922) et dans le domaine religieux la chapelle Sainte-Anne de Sommentier (1918-1919). Il a également remporté le concours de la nouvelle église d'Echarlens dont les plans, imaginés en 1921, montrent de nombreuses correspondances avec l'architecture de Semsales (Ferreiro, 2005).

Le chantier démarre en octobre 1922 et se poursuit jusqu'à la consécration de l'édifice, en octobre 1926 (Dumas, [1926]). Comme pour la plupart de ses constructions, Dumas inscrit l'architecture dans une tradition régionale en s'inspirant des silhouettes des églises campagnardes fribourgeoises du XVIIème siècle qu'il teinte de références romanes (Lauper, 1997, p. 72). En mars 1924, alors que les travaux sont déjà bien entamés, l'architecte réfléchit à la décoration de l'église, cruciale à ses yeux. Il indique dans une lettre à l'évêque que son désir serait de réaliser "une décoration typique où la peinture serait vraiment le complément nécessaire de l'architecture et où l'architecte, maître de l'oeuvre, trouverait dans le peintre le collaborateur éclairé" (Dumas, 1924a). Il propose d'organiser un concours international afin de choisir l'artiste auquel il confierait la responsabilité de l'ensemble de la décoration. Il établit à l'intention des participants un programme détaillé de son projet, à l'exception des vitraux qui font partie d'un poste à part (Dumas, 1924b). C'est à l'issue de ce concours que la petite localité de Semsales voit arriver de Paris un artiste de renommée internationale : l'Italien Gino Severini, représentant majeur des avant-gardes artistiques européennes, qui va réaliser un important programme de peintures murales dans l'édifice (Torche, 1997). L'artiste Fribourgeois Louis Vonlanthen est engagé aux côtés de Severini pour la réalisation du programme décoratif peint, mais suite à de nombreuses difficultés entre les deux artistes, le travail de Vonlanthen sera limité à la chapelle Sainte-Anne et à un médaillon sur la façade extérieure de la chapelle de la Vierge (Rudaz, 2005, p. 40-41).
Dumas s'adjoint également la collaboration de plusieurs artistes affiliés au premier Groupe de Saint-Luc et Saint-Maurice, qui vient de renaître sous le nom de Société Saint-Luc en octobre 1924 (Brentini, 1987, p. 19). L'orfèvre Marcel Feuillat réalise le tabernacle, les chandeliers d'autel et le couvercle des fonts baptismaux, tandis que le sculpteur François Baud conçoit les bas-reliefs de la chaire, des fonts batismaux et de la prédelle de l'autel latéral de droite dédié à la Sainte Famille (Lauper, 2012, p. 170). Dumas emploie également de très nombreux entrepreneurs de la région pour les travaux de terrassement et maçonnerie, pierre de taille, menuiserie, etc. (Dumas, 1924) Plusieurs artistes et artisans carougeois sont également mandatés, à l'instar de Marcel Noverraz pour la céramique, de Charles Wasem pour l'exécution des mosaïques ou de Mario Pastori pour la fonte des bronzes (Rudaz, 1998, p. 8).
Le cycle de vitraux est le fruit du travail de plusieurs artistes. Le Fribourgeois Jean-Edouard de Castella est l'auteur des verrières du bas-côté nord de la nef et Eugène Dunand de celles du sud et de la chapelle de la Vierge. Quant à Alexandre Cingria, il n'obtient que les vitraux du choeur et de la chapelle Sainte-Anne, au grand dam de Severini qui aurait souhaité que son ami, qu'il considère comme l'un des meilleurs peintres-verriers suisses, réalise l'ensemble des verrières de l'édifice (Radin, 2011, p. 18). En 1973, l'artiste Fribourgeois Yoki, qui a travaillé pour l'architecte Dumas et aux côtés des artistes du Groupe de Saint-Luc dans ses jeunes années, intègre des vitraux avec symboles christologiques dans les lunettes de la voûte (Lauper, 2012, p. 170).

Lors de la consécration de l'église, célébrée le 7 octobre 1926 en grande pompe, le travail de l'architecte et des artistes est salué par l'évêque du diocèse, Monseigneur Marius Besson, qui considère l'édifice comme "l'un des plus parfaits monuments sortis du sol suisse en nos temps modernes" (Spicher, 1926). L'église fait l'objet d'une réception internationale, positionnant Dumas et les artistes du Groupe de Saint-Luc au premier plan de la production religieuse moderne en Suisse romande (Rudaz, 1998, p. 9-10).

Le bâtiment fait l'objet d'une restauration intérieure et extérieure entre 1971 et 1977, menée par l'architecte Roland Charrière (Charrière, 1978). Des réfections des surfaces peintes (sans intervention sur les oeuvres de Severini et Vonlanthen) sont également entreprises en 2011-2012, dans le respect de la polychromie d'origine (M. Vuagniaux, communication personnelle, 5 avril 2020).

Bibliographie

Brentini, F. (1987). Im Dienste der modernen kirchlichen Kunst : Die Societas Sancti Lucae (SSL) 1924-1981 (Mémoire de Licence inédit). Lucerne, Suisse : Université de Lucerne.

Charrière, R. (1978, 7 mars). [Rapport de l'architecte]. Archives de la paroisse de Semsales, Suisse.

Dumas, F. (1924a, 26 mars). [Lettre à Mgr Marius Besson]. Archives de l'Évêché de Fribourg, Suisse.

Dumas, F. (1924b, mars). Peinture décorative de l'église de Semsales [programme du concours]. Archives privées Marcel Poncet, Vich, Suisse.

Dumas, F. [1926]. [Album souvenir, église de Semsales]. Archives de l'Évêché de Fribourg, Suisse.

Ferreiro, M. (2005). L’église paroissiale de Semsales : son histoire, son architecture et sa décoration (Mémoire de Licence inédit). Université de Genève.

Lauper, A. (1997). Église de Semsales. A propos de l’architecture : le leurre ou l’écrin ?. Pro Fribourg (700 ans Châtel-Saint-Denis), (117), 70-72.

Lauper, A. (2012). Semsales. Dans Société d’histoire de l’art en Suisse (dir.), Guide artistique de la Suisse (tome 4b, p. 170-171). Berne, Suisse : Société d’histoire de l’art en Suisse.

Radin, G. (ed.). (2011). Correspondance Gino Severini Jacques Maritain (1923 – 1966). Florence, Italie : Leo S. Olschki.

Rudaz, P. (1998). Carouge, foyer d’art sacré, 1920-1945. Carouge, Suisse : Ville de Carouge.

Rudaz, P. (2005). Architecture du paysage : Louis Vonlanthen (1889-1937). Bulle, Suisse : Musée Gruérien.

Spicher, A. (1926, 8 octobre). La consécration de la nouvelle église de Semsales. La Liberté.

Torche, M.-T. (1997). L’église de Semsales. Premier exemple de peinture cubiste appliquée à l’art monumental religieux en Suisse romande ?. Pro Fribourg (700 ans Châtel-Saint-Denis), (117), 73-77.