Nom

Eglise Saint-Pierre-aux-Liens

Adresse
10, route de l'église
1684 Mézières
Hiérarchie géographique
Coordonnées (WGS 84)
Auteur·e et date de la notice
Valérie Sauterel 2021; Camille Noverraz 2024
Informations sur le bâtiment / l'institution

En 1935, la paroisse approche une première fois Fernand Dumas pour étudier l'agrandissement de son église du XVIème siècle, presque entièrement reconstruite en 1817. Elle dispose d'un fonds de construction de 100'000 francs et souhaite construire vite, s'inquiétant de la dévaluation de la monnaie helvétique, conséquence de la crise culminant en hiver 1935. La Confédération et le canton promettant des subsides pour la transformation et rénovation de bâtiments afin de lutter contre le chômage, la paroisse choisit finalement de construire une nouvelle église (Lauper, s.d.a).

Le 30 août 1936, le curé Théophile Perroud soumet au chancelier de l'Evêché un essai de programme pour le petit concours que la paroisse désire organiser en vue de la construction de la nouvelle église (Perroud, 1936). La paroisse s'adresse aux architectes fribourgeois Fernand Dumas de Romont, Albert Cuony et George Rossey & Marcel Matthey, après visite des chantiers en cours. Elle ne formule pas d'exigences particulières au niveau du style de l'église, mais précise que sa silhouette doit s'harmoniser "avec l'aspect du village" ("Mise à l'étude des plans et devis [...]", 1936). Le bois, fourni par la commune, devra également être utilisé le plus largement possible. Le jury du concours étudie les propositions anonymes des trois bureaux et rend son rapport en novembre 1936. Le projet de Dumas, intitulé "2 solutions", est considéré comme étant celui qui a le "plus de caractère", tandis que la simplicité de son plan permet une réalisation économique (Savoy, Perroud, Demierre, Lateltin, Jaeger et Waeber, 1936). Le curé Perroud admet avoir eu une préférence pour le projet de Rossey & Matthey, éprouvant de la sympathie pour ces deux jeunes architectes ayant peu de travail, au contraire de Dumas. Mais la commission de bâtisse et l'assemblée de paroisse tranchent et Dumas obtient le mandat (Perroud, 1937).

L'ancienne église est détruite au printemps 1937 et en mai a lieu la cérémonie de la pose de la première pierre ("L'ancienne et la nouvelle église de Mézières", [1937]). Comme dans la plupart de ses églises, Dumas conçoit l'architecture de Mézières dans un langage mêlant modernité et repères traditionnels. L'église est construite avec une carcasse de béton armé avec remplissage en briques (Dumas, s.d.), béton qui est masqué à l'extérieur par un appareillage en pierre sur la tour et la façade principale et du crépi pour le reste. La silhouette du massif clocher carré à flèche très effilée constitue une réinterprétation lointaine des clochers de type broyard des églises d'Avenches et Payerne notamment, type que Dumas met également en oeuvre à Travers et Bussy en 1937 et 1938 (Lauper, 1995, p. 26).

Comme à son habitude, Dumas accorde une très large place à la décoration, en mettant au premier plan un matériau privilégié, le verre, tout comme il l'avait fait à Fontenais avec la céramique, et à Sorens avec le bois. C'est l'artiste tessinois Emilio-Maria Beretta qui assume la quasi-totalité de ce programme décoratif. Ce mandat important a failli être accordé à l'artiste toscan Gino Severini, auteur entre autres des décorations des églises de Semsales et Saint-Pierre de Fribourg, mais c'est finalement Beretta qui est choisi, probablement pour sa maîtrise de la difficile technique de la peinture sous verre, qui est choisie pour le monumental retable couvrant toute la paroi du chevet derrière l'autel, ainsi que pour le chemin de croix. En 1933, l'artiste avait exposé à la Triennale d’art sacré de Milan un antependium composé de 21 panneaux peints sous verre. Ce matériau est également décliné pour le mobilier, à travers des panneaux de briques de verre et des verres gravés composant l'autel majeur, les autels latéraux et le chancel, produits en France par la maison Labouret sur des dessins de Beretta. Le transport de ces oeuvres depuis la France occasionne plusieurs difficultés avec la douane, laquelle estime qu'il ne s'agit pas d'oeuvres d'art, entraînant des frais plus conséquents et des retards (Torche-Julmy, 1998, p. 15-16). Quant au retable, Beretta en reçoit la commande en mars 1939, mais il ne sera achevé qu'en automne 1940, le travail étant interrompu par la mobilisation de l'artiste sous les drapeaux. Cette oeuvre exceptionnelle peut être considérée comme l'une des plus grandes peintures sous verre au monde. Deux ans plus tard, en 1943, après une nouvelle période de service militaire, l'artiste peut enfin finaliser sa commande avec l'exécution du chemin de croix en peinture sous verre (Lauper, s.d.b). Les comptes de la construction indiquent que cette ornementation en verre a coûté très cher, soit environ 15'000 francs sur un budget total de 212'000 francs (Torche-Julmy, 1998, p. 15-16).

Les paroissiens ont donc dû patienter longtemps pour voir la décoration de leur église achevée, et encore plus longtemps pour que les fenêtres de la nef, alors garnies de simples vitreries colorées, soient ornées de vitraux de l'artiste du cru Yoki (Émile Aebischer), en 1979, accompagnant la dalle de verre que ce dernier avait réalisée dix ans plus tôt pour la rose de la tribune des orgues. La pose des nouveaux vitraux se fait parallèlement à la rénovation de l'édifice, dont la polychromie d'origine est partiellement transformée afin d'éclaircir l'intérieur (Chatton, Rémy, 1977).

Bibliographie

Dumas, F. (s.d.). Devis descriptif. Archives de la paroisse de Mézières, Suisse.

Dumas, F. (s.d.). Devis descriptif. Archives de la paroisse de Mézières, Suisse.

Chatton, E., Rémy, J. (1977, 1er février). [Lettre de la commission cantonale des monuments historiques et édifices publics au Conseil paroissial de Mézières]. Archives de l'Évêché de Fribourg (AEvF), Suisse, dossier "Art sacré : Mézières / XI. A 23".

Lauper, A. (s.d.a). Le chant du cygne de la Nouvelle Tradition. [Plaquette réalisée par le Service des Biens culturels, Fribourg]. Mézières, Suisse : Paroisse Notre-Dame de l'Épine.

Lauper, A. (s.d.b). De la peinture sous verre au néon. [Plaquette réalisée par le Service des Biens culturels, Fribourg]. Mézières, Suisse : Paroisse Notre-Dame de l'Épine.

Lauper, A. (1995, octobre). Nova et Vetera : Fernand Dumas bâtisseur d’églises. Le Groupe de Saint-Luc (Patrimoine fribourgeois), (5), 17-32.

L'ancienne et la nouvelle église de Mézières. ([1937]). Archives de la paroisse de Mézières, Suisse.

Mise à l'étude des plans et devis pour la construction d'une nouvelle église. (1936, 18 septembre). Archives de l'Évêché de Fribourg (AEvF), Suisse, carton « paroisses » II. 70, Mézières.

Perroud, T. (1936, 30 août). [Lettre au chancelier de l'Evêché]. Archives de l'Évêché de Fribourg (AEvF), Suisse, carton « paroisses » II. 70, Mézières.

Perroud, T. (1937, 22 février). [Lettre à Mgr Besson]. Archives de l'Évêché de Fribourg (AEvF), Suisse, carton « paroisses » II. 70, Mézières.

Perroud, T. (1938, 8 octobre). [Lettre à Fernand Dumas]. Archives de la paroisse de Mézières, Suisse.

Pittet, A., Demierre, L. (1938, 17 février). [Protocole de l'assemblée paroissiale du 17 février 1938]. Dans livre : Protocoles assemblées paroissiales. Séances du Conseil paroissial. Archives de la paroisse de Mézières, Suisse.

Savoy, H., Perroud, T., Demierre, L., Lateltin, E., Jaeger E. et Waeber, L. (1936, 14 novembre). Concours d'idées pour la construction d'une nouvelle église à Mézières (Glâne). Rapport du Jury. Archives de l'Évêché de Fribourg (AEvF), Suisse, carton « paroisses » II. 70, Mézières.

Torche-Julmy, M.-T. (1997). Redécouverte d’un artiste : son œuvre fribourgeoise. Dans P. Rudaz (dir.), Emilio Maria Beretta : [exposition]: Musée du pays et Val de Charmey, [du 23 novembre 1997 au 8 février 1998] (p. 11-21). [Charmey], Suisse : Musée du pays et Val de Charmey.