Selon Paul Boesch, le fragment de vitrail proviendrait de la collection du prince Frédéric-Léopold de Prusse, laquelle fut vendue en 1919 à Berlin (cette information n’a pas pu être vérifiée – cf. V&A, documentation, état du 20 décembre 2013). Il est par la suite documenté dans la collection du financier américain Jack Pierpont Morgan Jr., dit J. P. Morgan Jr. (1867-1943), qui légua en 1919, en souvenir de la mémoire de son père, John Pierpont Morgan (1837-1913), et en reconnaissance de l’amitié anglo-américaine durant la Première Guerre mondiale, plusieurs dizaines de vitraux au Victoria and Albert Museum (sur ce legs, cf. VAM C.37-1919). Lors de son entrée dans les collections du musée, il était considéré comme suisse et daté du XVIe siècle (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013).
À une date indéterminée, Paul Ganz proposa d’identifier, à gauche, les armes de Diethelm Röist (1482-1544) qui, prédestiné au service de l'Etat par sa fortune et la tradition familiale, fut, entre autres, bourgmestre de la ville de Zurich de 1525 à 1544 et, à droite, celles de sa seconde femme, Küngold Byss, fille d’Urs Byss (v. 1465-v. 1515) (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013 ; sur Diethelm Röist, cf. Lassner 2010, consulté le 24 février 2021). En 1935, Paul Boesch confirma la seconde identification mais infirma la première, lui préférant les armes de la famille Sury de Soleure (ibid.).
Fille d’Urs Byss et d’Anna Vorburger, Küngold Byss naquit vers 1490 à Soleure et mourut à Zurich le 17 mai 1553, à l’âge d’environ 63 ans. Le 6 mai 1517, elle épousa en premières noces Hans Stapfer, qui mourut en 1526 : de cette union naquirent deux enfants. À une date indéterminée, elle épousa en secondes noces Diethelm Röist, avec qui elle semble ne pas avoir eu d’enfants. Son père, Urs Byss, fit une importante carrière politique, étant tour à tour membre du Petit Conseil (Jungrat) en 1490, bailli de Falkenstein (1491-1493), banneret (1494), bailli du Bucheggberg (1495-1497) puis avoyer (1504-1511). Son bilinguisme le prédestinait à la diplomatie. Il fut en mission presque sans interruption de 1494 à 1498 (Sigrist 2003, consulté le 24 février 2021).
Importante famille patricienne de Soleure, originaire du Lebern et du Bucheggberg, les Sury sont attestés pour la première fois en 1430 comme bourgeois de la ville. Au XVe siècle, ils se divisèrent en deux branches : la première remonte à Ulrich, membre du Conseil, dont le fils Urs le Vieux était déjà avoyer en 1549, comme le seront les quatre générations suivantes ; la seconde, issue de Konrad, donna également plusieurs avoyers (Meyer 2014, consulté le 24 février 2021).
Les armes reproduites dans le panneau de Londres appartiennent effectivement aux Sury et aux Byss, deux familles patriciennes de Soleure. Pour étayer sa proposition d’identification, Paul Boesch rapprocha le vitrail de Londres d’un vitrail publié en 1942 par Hans Lehmann : conservé au Musée historique d’Olten, il s’agit d’un vitrail héraldique aux armes de Christophe Byss et de sa femme Anne Sury, que Lehmann attribue au peintre-verrier lucernois Hans Jakob I Geilinger (1611-1677) et qu’il date avec un point d’interrogation vers 1656 (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013 ; Lehmann 1942, p. 201 et pl. 274).
En 1942, Lehmann publia un second vitrail, alors conservé dans une collection privée à Zurich : il s’agit d’un vitrail héraldique aux armes de Peter Sury et de ses deux femmes, qui porte les dates de 1594, année de son exécution, et celle de 1643, année de sa restauration qu’il attribue égalemeet sans argument décisif à Hans Jakob I Geilinger. Boesch n’établit que le rapprochement mais ne commenta pas ces attributions (V&A, documentation, consultée le 20 décembre 2013).
Le vitrail de Londres est manifestement plus ancien : il ne peut revenir à ce dernier et semble par conséquent plutôt être dû à un peintre-verrier soleurois voire lucernois actif autour de 1550 (voir respectivement Dietschi 1940 et Lehmann 1941).