Le vitrail provient de la collection de la Baronne de Trétaigne, laquelle fut vendue en 1904 à Zurich. Il est par la suite documenté dans la collection de l’industriel français Frédéric Engel-Gros (1843-1918), dont la collection fut vendue en 1922 à Paris après le décès de ce dernier à Bâle. Acheté à cette occasion par le Victoria and Albert Museum avec le fonds Murray, le vitrail était considéré lors de son entrée dans les collections du musée comme suisse et daté de 1603, comme indiqué sur le cartouche (V&A, documentation, état du 20 décembre 2013).
Complément tardif, remplacé manifestement en ou après 1603, le cartouche n’est pas d’origine : la ville d’Algen pourrait correspondre à celle d’Allgaü, tandis les patronymes des donateurs inscrits sur le cartouche pourraient également être de Souabe méridionale. Le reste du vitrail, ainsi que les armoiries, proviennent en revanche de l’ancienne Confédération helvétique. Les armoiries représentées dans la partie centrale correspondent en effet aux Brandenberg et aux Sonnenberg, deux familles patriciennes respectivement de Zoug et de Lucerne.
Famille prolifique, les Brandenberg sont documentés depuis le XVe siècle à Zoug où ils se divisèrent en plusieurs branches. Les deux principales branches comptèrent de nombreux baillis dans le canton et cinq dans les bailliages communs, maints ecclésiastiques ainsi que bon nombre d'officiers engagés au service étranger. Alors que les responsabilités politiques et militaires se concentrèrent aux mains de deux branches, les vocations d'artistes et d'artisans d'art, notamment d'orfèvres, furent plus largement réparties (cf. Morosoli 2004, consulté le 19 mars 2021).
Famille patricienne de Lucerne, les Sonnenberg sont documentés depuis le XIVe siècle comme bourgeois de la ville. Ils comptèrent parmi les plus riches de Lucerne et fournir nombre de membres du Grand Conseil, où ils siégèrent sans interruption au Petit Conseil, à raison d'un à trois à la fois. Ils reçurent une lettre d'armoiries du roi de Hongrie Mathias Corvin en 1488 et une autre de l'empereur Léopold Ier en 1666. Ils portèrent le titre de „Junker“ dès 1494, la particule pour la première fois en 1600 et de manière permanente dès le dernier tiers du XVIIe siècle. La famille posséda un autel dans l'église des franciscains dès 1506 (cf. Quadri 2012, consulté le 19 mars 2021).
En 1935, Hans Lehmann attribua le vitrail au peintre-verrier Caspar Spengler (1553-1604) de Constance, manifestement sur la base de l’origine souabe des patronymes inscrits sur le cartouche et du saint évêque représenté dans la partie supérieure, Conrad, saint patron de Constance (cf. V&A, documentation, état du 20 décembre 2013). Remplacé à une date indéterminée, le cartouche, „Cunrath Brand von Algen. vnd frouw / Margretta Sunnen von St. Michel 1603“, présente en réalité quelques affinités avec les armoiries ainsi que l’iconographie de la partie supérieure du vitrail, de sorte qu’il pourrait correspondre à un couple du nom de Konrad Brandenberg et de Margaretha Sonnenberg, comme si une personne avait recopié maladroitement un texte préexistant voire lacunaire.
Né à un date indéterminée, probablement à Zoug, Konrad Brandenberg est le fils de Martin Brandenberg, capitaine, bailli et conseiller de de cette même ville. Il fut bailli de Steinhausen (1605-1606), maisonneur de Zoug (1616-1618), trésorier (1625-1627), bailli de Hünenberg (1627-1629), juge au grand tribunal (1628-1630), au tribunal hebdomadaire (1631-1633), conseiller (1628-1651), trésorier du Conseil (1630-1636), vice-amman (1635-1643 et 1648-1651), bailli de Baden (1643-1645) et plusieurs fois délégué à la Diète entre 1626 et 1645, avant de mourir le 16 février 1651 (Morosoli 1999, consulté le 19 mars 2021). À une date non documentée, il épousa Margarita Sonnenberg, fille de Jakob Sonnenberg, qui fut également membre du Grand Conseil de Lucerne (dès 1576), du Petit Conseil (1599-1629), avoyer (1612-1622, années paires), bailli de Habsbourg-Root (1581-1583 et 1585-1587), de l'Entlebuch (1603-1605), de Rothenburg (1610-1613) et de Merenschwand (1614) (Quadri 2012, consulté le 19 mars 2021).
Or, ce couple est à l’origine d’au moins deux autres commandes de vitraux héraldiques : daté de 1635 et attribué à l’atelier de Michael II. Müller, le premier est conservé au Museum Burg Zug (inv. 3328 – cf. Bergmann 2004b, p. 318-319, cat. 119) ; signé du monogramme HS (Heinrich Schnyder, mort en 1616) et daté de 1614, le second est passé en vente sur le marché de l’art en 1908 (ibid., p. 319, n. 391). Le Museum Burg Zug conserve un troisième vitrail aux seules armes de Konrad Brandenburg, historié, daté de 1650 et attribué à Michael IV. Müller (ibid., p. 342-344, cat. 138).
Sur cette base, l’attribution au peintre-verrier Caspar Spengler de Constance ne peut être retenue. Le vitrail de Londres semble avoir été réalisé plutôt dans le milieu zougois. Ill peut en effet être rapproché d’autres vitraux réalisés par Michael II. Müller, comme le vitrail héraldique aux armes d’Oswald Zurlauben et Maria Magdalena Bengg, daté de 1603 et conservé au Museum Burg Zug (inv. 3327 – cf. ibid., p. 248-249, cat. 63).
La date d’exécution de 1603 pour le vitrail de Londres, peut-être mal recopié, reste en revanche incertaine dans la mesure où les autres vitraux en lien avec le couple ont été commandés plutôt dans le second quart du siècle. Aussi, certains détails, comme les figures des saints Conrad et Marguerite représentées dans la partie supérieure, rappellent fortement des productions plus tardives, à l’instar du vitrail daté de 1635 conservé à Zoug (ibid., p. 318-319, cat. 119).
Le Victoria and Albert Museum possède un second vitrail commandé par un autre membre des Brandenberg de Zoug, Jakob, daté de 1627 et attribué également à un membre des Müller, véritable dynastie de peintres-verriers actifs à Zoug (VAM inv. 527-1907 – cf. VAM_139).