Le rondel provient d’une vente organisée par la maison de vente Drouot, qui s’est tenue en juin 2000 à Paris (Romont, Vitrocentre Romont, documentation, inv. VMR 10016, consultée le 4 avril 2022). Il a été acheté à cette occasion par un collectionneur établi en Allemagne qui l’a vendu en 2019 au Vitrocentre Romont, avec 28 autres pièces, toutes datant des XVe et XVIe siècles et provenant des anciens Pays-Bas voire, pour quelques-unes d’entre elles, des pays germaniques (Romont, Vitromusée Romont, documentation, inv. VMR 911, consultée le 4 avril 2022).
Le rondel représente une allégorie de la fortune, sous la forme d’un jeune garçon ailé, les yeux bandés, déversant des pièces d’or sur un homme riche et des pierres sur un homme pauvre. Si l’iconographie de la fortune ne présente aucune particularité formelle – c’est ainsi, du reste, qu’elle sera fixée au début du XVIIe siècle par Cesare Ripa (1555-1622), auteur de l’Iconologia, maintes fois rééditée et utilisée par les artistes -, l’image, originale, d’une pluie d’or s’abattant sur un homme riche et d’une pluie de pierres sur un homme pauvre pourrait, en revanche, à titre d’hypothèse, dériver d’un des nombreux proverbes flamands voire néerlandais, souvent mis en images dans les anciens Pays-Bas, comme le rappelle le tableau intitulé les Proverbes flamands (ou Le monde renversé voire La Huque bleue, Berlin, Gemäldegalerie, inv. 1720) peint en 1559 par Pieter Brueghel l’Ancien (v.1525-1569).
L’invention de cette composition n’a pas été identifiée. Il doit cependant en exister une, sous la forme d’un dessin ou d’une gravure, dans la mesure où il existe au moins deux rondels du XVIe siècle qui partagent, outre une même technique, la même invention : le premier est conservé au Musée du Louvre (département des Objets d’art – cf. Romont, Vitrocentre Romont, documentation, inv. VMR 10016, consultée le 4 avril 2022) ; le second dans l’église Holy Trinitiy de Berwick-on-Tweed, dans le Northumberland, en Angleterre (CVMA, inv. 007858 – cf. Cole 1993, p. 18). De ces trois rondels, l’exemplaire du musée du Louvre se distingue des deux autres par sa qualité artistique et technique : il constitue manifestement le prototype, ou la version la plus proche de l’invention, et les deux autres, des variantes.
En 2008, Klaus Tiedemann rattacha le rondel du Vitromusée Romont à la production des anciens Pays-Bas et le data vers 1525 : ces considérations semblent avoir été formulées sur la base d’une comparaison avec l’exemplaire de l’église Holy Trinitiy de Berwick-on-Tweed, datée de 1525 (Tiedemann 2008, p. 62 ; id. 2009, p. 119). De moindre bonne qualité, l’exemplaire anglais constitue, au même titre que celui du Vitromusée Romont, une copie de moindre qualité par rapport à l’exemplaire du musée du Louvre. Sur la base du costume, ces deux exemplaires ne sont cependant pas beaucoup plus tardifs que ce dernier. La date de 1525 peut ainsi être conservée.
L’iconographie de la fortune généra de nombreuses variantes dans toute l’Europe, dont dans l’ancienne Confédération helvétique, comme en témoigne le dessin préparatoire à un vitrail de Christoph Murer (1558-1614), daté de 1596, représentant une allégorie du sympathique pauvre et du triste riche, aujourd’hui conservé à New York (Der Lustige Arme und der Traurige Reiche, New York, The Metropolitan Museum of Art, Drawings and Prints, inv. 2012.136.724).