La provenance de ce rondel n’est pas établie. Celui-ci est passé en vente à Zurich, chez Sotheby’s Parke Bernet & Co, le 21 avril 1984 (lot 198), puis a été vendu en novembre 2003 par la Galerie Stuker à Berne (cf. Romont, Vitrocentre Romont, Documentation, inv. VMR 10019, consultée le 4 avril 2022). Il a été acheté à cette occasion par un collectionneur établi en Allemagne qui l’a vendu en 2019 au Vitrocentre Romont, avec 28 autres pièces, toutes datant des XVe et XVIe siècles et provenant des anciens Pays-Bas voire, pour quelques-unes d’entre elles, des pays germaniques (Romont, Vitromusée Romont, documentation, inv. VMR 911, consultée le 4 avril 2022).Le rondel représente Charlemagne, roi des Francs puis empereur des Romains, dans un paysage parsemé d’arbres et d’habitations fortifiées dont les façades, à pignons à gradins (également appelés à échelons), sont caractéristiques de l’architecture gothique tardif ou de la Renaissance dans les anciens Pays-Bas ainsi que dans les pays germaniques. Roi guerrier, souverain réformateur, protecteur des arts et des lettres, Charlemagne fit rapidement l’objet d’un important culte politique, religieux et artistique dans toute l’Europe et même au-delà. Plusieurs attributs confortent cette identification : le camauro surmonté d’une mitre en forme de couronne, l’orbe crucigère et la légendaire épée.
Bien qu’aucun portrait ne nous soit parvenu du vivant du Charlemagne (à l’exception, peut-être, de monnaies, frappées toutefois sur le modèle antique), les nombreuses représentations du souverain dans l’art de l’enluminure, du vitrail, de la sculpture, de la peinture et des arts graphiques en fixèrent cependant très tôt les traits (cf. Stiennon 1978 ; Cordonnier 2009). À titre d’exemples, la représentation de saint Karolus Magnus, tirée d’une série de 87 xylogravures réalisées entre 1510 et 1518 et dédiée aux saints issus de la maison de Habsbourg, réalisée par Wolfgang Resch (✝︎1534) d’après une invention de Leonhard Beck (vers 1480-1542), où l’on retrouve le souverain dans une position semblable, vêtu d’une armure et tenant l’épée d’une main et l’orbe crucigère de l’autre (Wolfenbüttel, Herzog August Bibliothek, inv. Xd 2° 100 (18)), ou encore les „Drei gute Christen“, une xylographie issue de la série „Die neun Helden und neun Heldinnen“ réalisée entre 1516 et 1519 par Hans Bückmair (1473-1531), qui connut également une importante diffusion au Nord des Alpes (Braunschweig, Herzog Anton Ulrich-Museum, inv. HBurgkmair WB 3.1).
Aucun modèle dessiné du rondel du Vitromusée Romont n’a pour l’heure pu être identifié. Il pourrait cependant en exister un dans la mesure où il existe un second vitrail qui partage la même invention : mesurant 21,3 centimètres de haut sur 17 de large, il s’agit d’un rondel représentant Charlemagne, en tout point identique au rondel de Romont, devant lequel un donateur, accompagné d’un écu héraldique non identifié, est en prière (localisation inconnue). Non daté mais vraisemblablement également exécuté au XVIe siècle, ce rondel est passé en 2003 sur le marché de l’art hollandais (cf. Romont, Vitrocentre Romont, Documentation, inv. VMR 10019, consultée le 4 avril 2022).
En 2008, Klaus Tiedemann rattacha le rondel du Vitromusée Romont à la production des anciens Pays-Bas et le data entre 1510 et 1525 : ces considérations semblent avoir été formulées sur la base du style et du costume, notamment des solerets arrondis „en pied d’ours“ qui, selon ce dernier, suggéreraient une datation après 1510 (Tiedemann 2008, p. 68 ; id. 2009, p. 132). Si cet élément de costume constitue un terminus post quem, il ne suffit cependant pas à dater le rondel. Il existe en effet de nombreux rondels produits au XVIe siècle dans les anciens Pays-Bas qui représentent Charlemagne (cf. Berserik, Caen 2007, p. 23, 159 ; id., 2011, p. 565 ; id., 2014, p. 71, 428) : aucun d’entre eux ne permet cependant d’établir des rapprochements probants.
L’exemplaire du Vitrocentre Romont se distingue cependant des autres par la présence du collier de l’ordre de la Toison d’or. Fondé en 1430 par Philippe le Bon, duc de Bourgogne, ce prestigieux ordre de chevalerie, qui se rattache délibérément au mythe antique de la quête de la Toison d'or par Jason et les Argonautes, était originellement un ordre de l’Etat bourguignon qui regroupait alors le duché et le comté de Bourgogne ainsi que plusieurs fiefs des anciens Pays-Bas, dont le comté de Flandre et le duché de Brabant.
Avec le passage en 1477 de l’Etat bourguignon à la maison de Habsbourg, l’ordre s’étendit en deux branches, celle espagnole et celle autrichienne : avec ces nouvelles ramifications, il était d’usage de faire remonter de manière anachronique la généalogie de l’ordre à quelques figures historiques voire mythiques, à l’instar de Charlemagne, Godefroy de Bouillon ou encore le roi Arthur.
Bien qu’anachronique, ce détail iconographique pourrait par conséquent constituer un éventuel clin d’oeil au lieu de production, en l’occurrence, à titre d’hypothèse, à quelques foyers artistiques de l’ancien duché de Brabant ou du comté de Flandres, dont la capitale était alors Bruges.