Ce vitrail constitue depuis 2006 un prêt de longue durée du Musée historique de Bâle (Bâle, Musée historique, inv. 1978.221), où est conservé son pendant : un vitrail rond, de même format, représentant un Christ en gloire (Majestas Domini), inscrit dans une mandorle, tenant une crosse d’une main et un globe de l’autre, et flanqué, de part et d’autre, d’un ange en pied (Bâle, Musée historique, inv. 1978.222).
Ces deux vitraux partagent une même provenance : ils ont été acquis en 1910 chez les antiquaires Bacri Frères à Paris par l’Américaine A. M. Vail (1864-1946), avant de passer en 1947, par héritage, à la famille bâloise Sarasin-Dearth. En 1978, le Christ en gloire fut acheté par le Conseil d’Etat du canton de Bâle-Ville (Regierung des Kantons Basel-Stadt) et la visite au tombeau vide par le Freiwilliger Museumverein Basel, lesquels furent respectivement donné et déposé au Musée historique de Bâle (cf. Fiechter, 1991, p. 24-25 ; Kurmann-Schwarz, 2000, p. 265-266, n. 3 ; Romont, Vitromusée Romont, documentation, inv. VMR 486, consultée le 4 avril 2022).
Le panneau prêté au Vitromusée Romont représente, dans un cadre ornemental lobé, composé de motifs géométriques colorés, une scène néo-testamentaire tirée de l’Evangile selon Jean (Jn 20, 1-10) : il s’agit de la visite après Pâques de Marie-Madeleine et des apôtres Pierre et Jean au tombeau, qu’ils trouvèrent ouvert et vide, saisissant la prophétie du Christ, sa Résurrection annoncée trois jours après sa Crucifixion.
Ce vitrail a bénéficié de plusieurs études, dont les plus importantes sont celle de Sandra Fiechter (1991) et celle de Brigitte Kurmann-Schwarz (2000). Comme son pendant conservé au Musée historique de Bâle, il provient de la cathédrale Notre-Dame de Chartres, en Eure-et-Loir, située à environ 90 kilomètres au sud-est de Paris. Il est considéré de la première campagne de vitrage de la cathédrale, datée entre 1194 et 1240 (cf. Delaporte, 1926 ; Grodecki, 1981 ; Fiechter, 1991, p. 28 ; Kurmann-Schwarz, 2000, p. 266). Avec son pendant et un panneau représentant le martyre de saint Georges conservé au Princeton University Art Museum (Princeton, Princeton University Art Museum, inv. y71 – ce dernier cependant fortement remanié), ces trois panneaux compteraient parmi les rares vitraux de Chartres ayant atterri sur le marché de l’art.
Le panneau subit plusieurs remaniements. Sur la base de documents d’archives retrouvés dans les années 1880 à Chartres, on sait que celui-ci a été restauré entre 1415 et 1416 : c’est à cette époque que la tête de Marie-Madeleine et plusieurs verres composant le sarcophage ont été remplacés, tandis que la tête de saint Jean a été remplacée à une date indéterminée par un fragment datant d’environ 1200 (Kurmann-Schwarz, 2000, p. 269-270, fig. 293). Ayant conservé son ancien réseau de plomb, le panneau semble cependant avoir échappé à la grande campagne de restauration de la cathédrale qui s’est tenue entre 1868 et 1918 (ibid., p. 268) : c’est probablement à cette époque que, selon Kurmann-Schwarz (2000, p. 272-273), le vitrail aurait été substitué à Chartres, peut-être par l’intermédiaire d’un des nombreux restaurateurs parisiens alors actifs sur le chantier. C’est également à cette époque ou au tout début du XXe siècle qu’un restaurateur et/ou un antiquaire a donné au panneau son actuelle forme en médaillon (ibid., p. 266).
La localisation d’origine du vitrail n’est pas établie avec certitude. Selon Sandra Fiechter, le panneau pourrait avoir fait partie d’une verrière consacrée soit à la Passion du Christ, soit à l’histoire de sainte Marie Madeleine : à titre d’hypothèse, elle propose la chapelle d’axe du choeur dont les vitraux ont été remplacés par des grisailles dans la seconde moitié du XIIIe siècle encore in situ (Fiechter, 1991, p. 67sqq ; Kurmann-Schwarz, 2000, p. 271-272). Selon Brigitte Kurmann-Schwarz (2000, p. 272-274 ; 2006, p. 29) en revanche, le panneau proviendrait plutôt d’une chapelle gothique de la crypte, où il aurait été conservé jusqu’au XVIIIe siècle, avant de servir de complément dans la nef puis d’être définitivement déposé et remplacé au XIXe siècle.
Le panneau aujourd’hui déposé au Vitromusée Romont peut être rattaché au prestigieux chantier de la cathédrale de Chartres non seulement sur la base de considérations archivistiques, historiques et iconographiques, mais également sur la base de considérations stylistiques, formelles et matérielles. Comme l’a en effet démontré Sandra Fiechter puis Brigitte Kurmann-Schwarz, les deux panneaux de Bâle ainsi que les fragments nos 27 et 28, remontés en 1924 dans la baie 033, au niveau du mur occidental du bras nord du transept, qui représentent respectivement un Christ en trône et sainte Marie-Madeleine s’adressant à trois apôtres, proviennent probablement d’un même ensemble (Fiechter, 1991, p. 34-39 ; Kurmann-Schwarz, 2000, p. 266 ; id. 2006, p. 29) : outre une iconographie identique, on y retrouve en effet une même palette, un dessin semblable ainsi que certains détails, à l’instar du visage de l’un des apôtres.
Mentionné dans:
Fiechter, 1991, p. 34-39.
Kurmann-Schwarz, 2000, p. 266-270.
Kurmann-Schwarz, 2006, p. 29.
HMB, 1979, S. 18, Abb.
HMB, 2021.
HMB Inv. Nr. 1978.221