La provenance de ce rondel n’est pas établie. Celui-ci est apparu en 1993 sur le marché de l’art en Suisse. Il a été acheté à cette occasion par un collectionneur établi en Allemagne qui l’a vendu en 2019 au Vitrocentre Romont, avec 28 autres pièces, toutes datant des XVe et XVIe siècles et provenant des anciens Pays-Bas voire, pour quelques-unes d’entre elles, des pays germaniques (Romont, Vitromusée Romont, documentation, inv. VMR 911, consultée le 4 avril 2022).Le rondel représente Cérès, la déesse du blé et des moissons, symbole de la fécondité de la terre et de l’agriculture, dans un paysage dans lequel est évoquée la récolte des céréales. Figure mythologique, confondue avec celle grecque de Déméter, Cérès est identifiable grâce à ses deux attributs : la faucille et la gerbe de blé. Sa représentation connaît une grande diffusion en Europe à la Renaissance grâce à des gravures isolées, comme celles de Giovanni Jacopo Caraglio (1526), de Cornelis Cort d’après Frans Floris (1564) ou de Peter Schmid d’après Jost Amman (1578), ainsi qu’aux mythographies, dont les nombreuses éditions des „Métamorphoses d’Ovide illustrées“ (1551), les „Mythologiae“ de Natale Conti (1567) ou encore les „Immagini de i Dei degli antichi“ de Vincenzo Cartari (1571), qui en fixèrent les traits. Le vitrail n’échappait pas à ces répertoires d’images, comme en témoignent deux vitraux anciens de format oval, réalisés d’après la gravure de Cornelis Cort d’après Frans Floris, l’un conservé dans la collection J. M. A. Caen à Schoten (B) et l’autre, à Strawberry Hill à Twickenham (GB) (Berserik, Caen, 2007, p. 190).
Curieusement, le rondel de Romont semble être le fruit d’une association de plusieurs emprunts. L’allure dégingandée du putto rappelle inévitablement les canons maniéristes de l’Ecole de Fontainebleau : elle pourrait avoir été inspirée d’une gravure d’après Léonard Thiry représentant Cérès (vers 1550), où l’on retrouve le motif de l’enfant nu. Le motif du chariot tiré par deux chevaux, dont l’un est surmonté par une figure humaine, semble dériver d’une gravure de Hieronymus Cock d’après Lambert Lombard (1568, Herzog Anton Ulrich-Museum, inv. HCock-Verlag WB 3.62, http://kk.haum-bs.de/?id=cock-h-exc-wb3-0062, consulté le 4 avril 2022). Le paysage présente des éléments architectoniques qui semblent ne pas avoir d’équivalents dans la production de l’époque. Enfin, la figure de Cérès, quant à elle, ne répond à aucun modèle iconographique préexistant, qu’il soit antique ou renaissant, et son costume ainsi que sa coiffe, dépourvus de toute indication, rendent toute attribution et datation délicates.
Il existe une variante de ce vitrail, signalée en 2008 par Klaus Tiedemann et conservée au Frans Hals Museum à Haarlem (Dr. Marrigje Rikken, Haarlem, Frans Hals Museum, Head of Collections & Exhibitions, communication écrite, 22 avril 2022 – cf. Romont, Vitromusée Romont, documentation, VMR 10036, consulté le 4 avril 2022). De même dimension mais manifestement plus tardif (il est daté entre 1580 et 1620 – ibid.), ce vitrail, à en juger d’après une ancienne photographie noir et blanc, paraît stylistiquement et formellement plus cohérent que le rondel de Romont : en cela, soit les deux rondels partagent une même invention, soit le rondel de Haarlem constitue le modèle du rondel de Romont. L’artiste qui est à l’origine de l’invention de cette composition comme celui qui est à l’origine de son exécution – qui ne sont pas forcément les mêmes – n’ont en revanche pas pu être identifiés.En 2008, Tiedemann attribuait le rondel de Romont de manière générique aux anciens Pays-Bas et le datait, sans argument décisif, entre 1550 et 1560 (Tiedemann 2008, cat. 64). Une datation antérieure à la gravure de Hieronymus Cock d’après Lambert Lombard (1568), dont le rondel reprend le motif du chariot tiré par deux chevaux, paraît cependant peu probable. Aussi, le style, qui se situe entre un maniérisme tardif (putto) et un gothique archaïsant (Cérès), n’exclue pas une œuvre issue d’un courant périphérique voire une copie moderne dans le style des anciens Pays-Bas.