Cette maquette en couleur à l’échelle 1:10 est un projet pour la fenêtre de la première travée dans la nef à droite de l’église Saint-Martin de Cugy, sur le thème : “Je crois en Dieu créateur”.
C’est sous l’égide de l’abbé Edouard Gambon que se déroule la réalisation des vitraux de la nouvelle église de Cugy, construite entre 1906 et 1907. L’abbé s’adresse pour cela à l’atelier Kirsch & Fleckner qui contacte Fortuné Bovard, alors probablement actif dans l’atelier d’Edouard Hosch pour la restauration des vitraux de la cathédrale de Lausanne. Possédant son propre atelier à Lausanne dès 1907, il semble qu’il travaille pour Cugy en sous-traitance de l’atelier Kirsch & Fleckner depuis le chef-lieu vaudois (Pasquier, 1999, p. 45-46, 56). Les vitraux, sans doute achevés et posés en août 1907, suivent le programme iconographique complexe élaboré en février 1907 par l’abbé, intitulé “Projets de vitraux” et destiné à fournir des indications iconographiques à Fortuné Bovard (Pasquier, 1999, p. 48). Les maquettes peuvent être datées de 1906, car elles correspondent à un devis de l’atelier Kirsch & Fleckner du 10 décembre 1906, et l’une d’elles, la KF_209, est signée et datée de décembre 1906 (Pasquier, 1999, p. 46-47).
Dans cette maquette, Fortuné Bovard a choisi de représenter le cinquième et le sixième jour de la Création dans les quadrilobes inférieurs. Après examen des maquettes, l’abbé Gambon décide cependant de rassembler dans les trois quadrilobes les six premiers jours de la création et le récit du paradis. Le vitrail montre ainsi dans le quadrilobe supérieur Dieu le père créant la lumière, le soleil, la lune et les étoiles (KF_999). Dans celui de gauche, trois jours du récit de la création sont représentés au contraire de la maquette : la création et séparation des eaux et du ciel, la séparation de la terre et des mers, la création des plantes, oiseaux et poissons (KF_997). Le quadrilobe de droite représente à la fois la création des animaux, symbolisée comme sur la maquette par un lion auquel s’ajoute un chien sur le vitrail (correspondant aux animaux domestiqués), mais aussi celle de l’homme et de la femme (KF_996). L’idée du serpent est abandonnée, car pour l’abbé Gambon, rien ne doit rappeler le pêché au stade de la Création (Pasquier, 1999, p. 9-11).
Pour la figure de Dieu le père, l’abbé a également demandé à Bovard de s’inspirer du Dieu de Michel-Ange issu de La Création du soleil, de la lune et des plantes, à la chapelle Sixtine. On retrouve également dans cette figure le style d’Edouard Hosch à la rose de la cathédrale de Lausanne, référence qui imprègne également l’ensemble des quadrilobes (Pasquier, 1999, p. 9).
En 1907, Fortuné Bovard termine une seconde année extrêmement dense. Résidant à Lausanne depuis 1904, il est probable qu’il ait oeuvré à la restauration de la cathédrale, peut-être déjà cette même année dans l’atelier d’Edouard Hosch. Il avait très certainement fait un apprentissage de peintre-verrier dès l’âge de seize ans, peut-être auprès de l’atelier fribourgeois Kirsch & Fleckner, ce qui expliquerait pourquoi l’atelier l’a proposé à Gambon pour les vitraux de Cugy. A partir de 1907, il dispose de son propre atelier et réalise plusieurs travaux pour Kirsch & Fleckner (Augustin, 1999, p. 55-56). Alors qu’il termine son travail pour le cycle de l’église de Cugy, il réalise des vitraux pour la cage d’escalier du Salesianum à Fribourg. Il termine le travail entamé par Vinzenz Kirsch pour les vitraux des transepts de l’église Sankt-Tiburz à Chevrilles (Giffers) et débute certainement aussi les esquisses pour la grande baie consacrée à sainte Françoise Romaine pour la nef de l’église Saint-Etienne de Belfaux. Il existe des concordances stylistiques évidentes pour l’ensemble des verrières de ces années 1906-1908. L’artiste y affirme avec beaucoup de conviction une vraie personnalité artistique et des qualités de dessinateur virtuose. L’influence d’Eugène Grasset, chez qui il a probablement pris des cours de dessin à l’école Guérin à Paris dans les années 1900 à 1903, est indéniable (Augustin, 1999, p. 55, 59).
Après cette première décennie du XXe siècle, durant laquelle Bovard est très prolifique dans la création verrière, il semble, comme l’artiste fribourgeois Raymond Buchs, abandonner cet aspect de son travail d’artiste pour se consacrer à différentes activités graphiques (illustration de livres, almanachs, calendrier, publicité, affiches, dessins d’armoiries et d’objets artisanaux ou industriels), qu’il avait toujours menées parallèlement à son activité verrière (Pasquier, 1999, p. 57-58).